• Rédemption

    Chapitre 1 

    Une journée comme les autres

     

    Sail - Awolnation

     

    Une petite fille aux cheveux blonds avec des yeux bleus... Elle est jeune... Elle possède un sourire démoniaque mais une certaine tristesse dans le fond de ses iris... Un rayon de soleil traverse la pièce luxueuse dans laquelle elle se trouve et vient jouer dans ses cheveux. Un couteau ensanglanté à la main elle s'avance, deux personnes... Un homme et une femme qui sont étendus à terre couché sur le ventre... Papa, maman ! Ils sont pleins de sang et leurs vêtements sont déchirés, on dirait qu'ils ont été attaqués par un fauve... Soudain toute la lumière de la pièce semble être aspirée par la petite fille, elle semble l'engloutir. La pièce est maintenant dans la pénombre. Il fait froid. La petite a un sourire malsain. Les yeux plantés dans ma direction elle s'enfonce le couteau dans le ventre. Le sang coule elle tourne le couteau dans ses entrailles. La vision est insupportable... Elle rit d'un rire démoniaque.

     

      Je me redresse, j'ouvre les yeux. J'ai la respiration coupée par des sanglots qui se précipitent dans ma gorge. Mes larmes jaillissent de mes yeux, je suis en nage, la sueur colle mon t-shirt à ma peau. Les images de la fillette dansent devant mes yeux, s'ancrent dans mon esprit et me torturent... La petite c'était moi. 

     

      J'essaye de me lever, une fois debout je suis un moment désorientée. Ma vision s'affine peu à peu. Dans la cheminée il reste quelques braises, j'ai froid. Je suis parcourue d'un frisson, j'ai senti un courant d'air. Je tourne la tête vers la fenêtre, elle est ouverte... Bizarre je ne l'ouvre jamais, surtout en hiver. Il fait nuit, il est 5h. La journée va être longue...

     

      Je décide d'aller me laver avant que toutes les filles n'y aillent, peut-être que j'arriverai à me nettoyer des dernières images de mon cauchemar. Je sors de ma chambre sans faire de bruits, mais le parquet grince et trahit chacun de mes pas. Je progresse lentement dans l'orphelinat en descendant les deux étages. J'ai toujours trouvé que c'était sinistre la nuit quand tout le monde dort, l'absence de bruits a quelque chose d'inquiétant. Après ma traversé qui m'a semblé durer des heures j'arrive enfin aux douches communes des filles. Je me lève toujours tôt pour y aller avant elles, pour ne pas subir leurs regards critiques et leurs ricanements face mon corps. Bien que maintenant elles n'osent plus trop à cause des piques acerbes que je leur lance. 

      J'entre dans la salle de bain et me déshabille. Il y a au moins une trentaine de douches et de miroirs - qui sont pour la plupart fissurés - sur l'un d'eux il y a quelque chose d'écrit au rouge à lèvre. Je m'approche pour mieux déchiffrer, c'est écrit: "Ever t'es qu'une pute". Je le sais, je le mérite. Entre les lettres je distingue mon reflet, un frisson de dégoût me parcours. Je me retourne brusquement pour aller sous une des douches dos au miroir. L'eau est d'abord gelée ce qui me fait pousser un petit cri de surprise. Elle se réchauffe petit à petit, mais je n'ai pas le droit au confort alors je change de douche pour recevoir l'eau froide. C'est tellement gelé que je n'arrive plus à penser, le miroir et mon cauchemar s'éloignent... 

      Je coupe l'eau et me sèche rapidement. Si je continue de trainer je vais croiser la directrice qui fait le tour des chambres pour réveiller les enfants. Je m'enroule dans ma serviette en vitesse et remonte rapidement dans ma chambre. Une fois en haut je passe une robe large noire, attache une ceinture à ma taille, enfile des collants et un long gilet. Ensuite je relève mes cheveux en un chignon très fouillis et me maquille uniquement les yeux avec du noir. 

     

      Il est 6h, c'est l'heure où l'orphelinat reprend vie, tout le monde émerge. Je n'irais pas déjeuner, j'ai le ventre beaucoup trop noué pour cela. Je m'assois sur le rebord de ma fenêtre en espérant apercevoir les premières lueurs du jour, mais je sais qu'elles ne viendront pas avant un moment car c'est l'hiver. Je recommence à trembler... Je me recroqueville... Non pas ça... Pas maintenant... Je colle ma tête contre la vitre, ma respiration fait de la buée. Je reste là je ne sais combien de temps, je rêve de m'échapper dans le jardin. Je ne peux pas ce serait trop beau... Je suis coincée ici. Enfermée comme un lion en cage. On aimerait m'amadouer mais ce n'est pas possible. Mon coeur s'est endurcit et est devenu dur et sombre comme l'onyx. 

      Deux coups frappés doucement à ma porte me sortent de ma torpeur en me faisant sursauter. Mme Avery entre dans ma chambre sans attendre de réponse. C'est une petite femme noire un peu enrobée avec des cheveux indomptables attachés dans un chignon très tiré. Elle doit avoir la trentaine, elle a un très joli visage et un regard transperçant. Son uniforme est blanc, c'est celui des dames de cantine. Elle est la seule personne qui prend la peine de venir jusqu'à ma chambre. Elle vient me prévenir que je dois descendre car le bus ne va pas tarder.

      J'enfile mes bottes et mon manteau, prend mon sac en vitesse et la suit. Une fois en bas l'agitation des gamins m'agace. Comment font-ils pour être content d'entamer une nouvelle journée ? Elles se ressemblent toutes, c'est insoutenable. 

     

      Je ne fais plus attention à mes gestes, je les fais mécaniquement sans réfléchir ni même les contrôler réellement. Tout ce que je sais c'est que je suis assise au fond du bus à ma place habituelle avec ma musique. Tandis que les premières notes de Imagine de John Lennon retentissent dans mes oreilles, j'ancre mes yeux sur le paysage qui défile. J'essaye d'imaginer ce monde sans religion, sans paradis ni enfer, sans pays, sans raisons de tuer dont il parle... C'est beau, cela m'apaise. J'aimerais faire partie de ce monde... Mais très vite la chanson se termine et je retombe sur terre. Courir après une chimère ne va pas m'aider... 

      Au bout d'une demi heure de trajet, on arrive devant mon lycée. C'est un vieux bâtiment pas du tout moderne en briques rouges. Je n'ai absolument pas envie d'y aller. Tous ces gens m'énervent, ils sont si insouciants et inconscients du malheur et du danger que c'en est risible. Je gravis les marches, et enclenche le mode automatique ce qui me permet de me retirer en moi et de ne pas faire réellement attention à ce que je fais. Ils rigolent dans tous les coins et se racontent des blagues idiotes, je ne vais pas tenir longtemps aujourd'hui, je le sens. 

      Je me rends à mon premier cours de la matinée. Mme Guinoiseau ma prof de français fait entrer les élèves bruyants dans sa salle. Elle a l'air surprise de me voir, il faut dire que je ne viens pas souvent le matin. Elle débute son cours mais elle me jette des coups d'œil furtifs pour vérifier que je prends bien son flot de paroles incessant en note. 

      Soudain quelqu'un toque à la porte, ma professeur dit de sa voix haut perchée à la personne d'entrer. La porte s'ouvre sur un jeune homme brun avec des yeux verts émeraudes, il a une carrure imposante et des traits émaciés. Oh non pas lui... Déjà qu'il n'en faut pas beaucoup pour que je haïsse quelqu'un mais alors ce gars là on dirait qu'il fait tout pour être au summum de la débilité ce qui le rend absolument insupportable. Il s'appelle Hugo et dès la première fois que je l'ai rencontré, je l'ai détesté. A sa vu mon coeur se soulève, lorsqu'il me frôle j'en ai des frissons de dégoût et quand nos regards se croisent mon estomac se retourne. 

      Évidemment la seule place de libre est à côté de moi. Comme on dit, un malheur n'arrive jamais seul. Lorsqu'il s'assoit je décale ma chaise de façon à être la plus éloignée de lui possible, le pire c'est que cela l'amuse. Quand il a ce sourire suffisant je n'ai qu'une envie c'est de le claquer. Mais il faut que je me contrôle, il a remarqué que ma main tremble. Je veux lui dire quelque chose afin de lui enlever ce sourire abominable mais je suis interrompue par ma voisine de derrière qui l'interpelle.  

      C'est là que commence une longue et inintéressante discussion entre les deux énergumènes qui m'entourent. Enfin la sonnerie retentit et je m'empresse de ranger mes affaires lorsqu'une main se pose sur mon épaule, immédiatement un désagréable picotement s'insinue sous ma peau à l'endroit où cet idiot a osé poser sa main. Je me retourne, le fusille du regard - il sait que je déteste ça - et lui demande ce qu'il me veut. Il a une expression étrange, il semble moqueur mais il y a une légère trace d'inquiétude dans le fond de ses yeux. Comme il ne me répond pas je m'en vais sans demander mon reste. Mais il ne trouve rien d'autre à faire que de me rattraper. Alors que je m'engage d'un pas décidé dans le couloir, il me saisit le bras fermement. J'essaye de me dégager en vain. Il me dit de sa voix grave: " - Bah alors qu'est-ce qu'elle a la petite Ever ? Aurait-elle enfin compris qu'il valait mieux qu'elle la ferme ?

    - Elle a surtout compris qu'on ne se mesurait à plus faible que soit, lui dis-je du tac au tac. "

    Son air amusé disparaît enfin et on se regarde une dizaine de secondes en chien de faïence. Il relâche la pression sur mon bras, je me dégage sans ménagement puis pars sans me retourner. 

    Mes trois heures de cours suivantes je les passe plongée dans mes pensées morbides. Je suis assise au fond de la classe et fais des ébauches de dessins sanglants sur mes cahiers. Personne ne s'en préoccupe, de toutes façons je ne suis importante pour personnes et c'est bien comme ça. 

     

      Midi arrive enfin et j'en profite pour sortir du Lycée, je ne reviendrais pas l'après-midi. Tout d'abord je me rends au centre ville, le ciel est tout blanc comme s'il allait neiger. Je déteste ce temps là. Je décide de trouver un endroit tranquille et déambule dans les multiples ruelles que j'ai déjà arpenté des milliers de fois. J'arrive devant un pub un peu sale, je rentre tout de même dedans car je connais bien le gérant. Il est content de me voir et me sert une consommation gratuite. Je m'assois au bar et écoute distraitement un morceau des Rolling Stones qui retentit sur un vieux poste qui doit être derrière le bar. A cette heure ci il n'y a pas grand monde, seulement un homme qui lit son journal en buvant un café et un ivrogne qui doit sûrement être soûl depuis 10h du matin... Je pense que le soir ce bar doit se transformer en lieu de débauche dans le genre "drogue, sexe and rock'n'roll". Il faudrait que j'y aille un soir. Parfois j'ai l'impression de ne pas être née à la bonne époque... J'aurais aimé vivre ces concerts de folie des années 70, tout le monde semblait heureux !

      Je sors du bar, mets mes écouteurs et écoute du AC/DC tout en marchant. J'aimerais aller à l'usine désaffectée mais à cette heure là mes amis ne doivent pas y être. J'irais demain...

      

      Le fait d'avoir l'après-midi pour moi me donne un sentiment de liberté ce qui est plutôt rare. Je fais le tour de la ville seule, perdue dans mes pensées et ma musique. Je rentre dans pleins de magasins sans rien acheter, seulement pour regarder. Je passe aussi m'acheter des cookies dans une boulangerie. Je regarde le soleil descendre derrière les nuages tout en allumant une clope. J'ai toujours aimé la fumée qui s'échappe de ma bouche, cela a quelque chose de fascinant.  Vers 17h je suis un peu fatiguée d'avoir autant marché et vais m'asseoir sur un banc dans un parc. Il fait déjà nuit, cela me désole... L'été me manque, j'ai envie de sentir le soleil frapper ma peau, pas le froid saisissant. Je passe je ne sais combien de temps assise là à regarder tous ces gens dans le parc. J'ai toujours su bien interpréter les expressions du visage et c'est plutôt divertissant de saisir une fraction de vie de toutes ces personnes. Mais je n'ai pas le droit au divertissement et je sais que je vais regretter cet après-midi... 

     

      J'ai loupé le bus - volontairement - qui nous ramène à l'orphelinat. J'en ai pour 1h30 de marche... Je suis exténuée mais je n'ai que ce que je mérite. Je progresse le long de la route avec les phares des voitures qui m'éblouissent sans cesse. J'ai toujours aimé les lumières de la ville lorsqu'il fait nuit et plus je m'en éloigne plus c'est beau. Cela forme des dizaines de petits points lumineux de toutes les couleurs. J'ai l'impression de marcher durant une éternité... Il fait de plus en plus froid, je vais finir endormie sur le bord de la route... 

      Je finis par arriver dans le village dans lequel se situe mon orphelinat. Une fois devant la porte, je sens qu'on va me passer un savon. C'est madame Avery qui vient m'ouvrir, en me voyant elle secoue la tête devant mon triste état. Elle a tout de même l'air soulagée, c'est vrai que l'orphelinat risque d'avoir des problèmes s'ils perdent un enfant... Elle m'envoie directement manger. Elle a sûrement deviné que je n'ai rien ingurgité de la journée, en y pensant c'est vrai que j'ai un peu faim. 

      Avery me colle sous le nez une assiette de pâtes froides et me défie du regard de faire un commentaire à ce sujet. Mais comme je suis déjà en mauvaise posture je ne vais pas en rajouter. Ensuite elle m'accompagne dans ma chambre - elle a sûrement peur que j'essaye de m'enfuir - et sur le pas de la porte me souhaite une bonne nuit puis me répète d'un air las un énième sermon que je n'écoute pas.

     

      Une fois dans ma chambre, je me mets en pyjama, fais du feu dans la cheminée et m'allonge devant. Je contemple les flammes avec fascination. Soudain mes tremblements reviennent... Cela fait deux jours que je me retiens... Je n'en peux plus... Je me lève d'un air décidé et prend une bouteille de vodka dans mon placard ainsi que des lames de rasoir. Je m'assois devant l'âtre brûlant et l'ouvre à la main. Je bois une longue gorgée qui me réchauffe la gorge d'une chaleur familière. Cela m'apaise mais pas suffisamment. 

     

      J'enlève mon bas de pyjama, exposant mes cuisses pleines de cicatrices à l'air libre. Je me munis d'une des lames et la passe lentement sur les anciennes scarifications laissant ainsi un filet de sang qui dégouline à certains endroits le long de mes jambes. La douleur me fait sourire. Je deviens de plus en plus fébrile, mes gestes se font plus secs et les blessures plus profonde. Je n'ai pas le droit au bonheur, il faut que je paye pour ce que j'ai fais. On a que ce qu'on mérite. Au bout de 16 coupures je m'arrête. Étrangement je n'ai pas mal. J'ai oublié de protéger le sol, il y a du sang partout. Ma tête tourne, j'attrape la vodka d'un geste gauche et en bois une gorgée. Je m'endors ou je ne m'évanouis, je ne sais pas, c'est trop trouble...

     

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    Nda: Je m'excuse de ma longue absence, j'ai eu beaucoup d'examens dernièrement et donc très peu de temps. J'ai aussi eu une baisse de motivation. 

    J'ai mis beaucoup de temps à écrire ce chapitre alors j'espère que vous trouverez le rendu à votre gout.

    Je vous remercie d'avoir lu et j'espère que ça vous aura plu ! N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou à venir me parler en MP


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