• L'aveugle

    Je me nomme Pierre et j'ai 75 ans. J'ai eu une vie bien remplie mais j'ai perdu la vue il y a 10 ans. C'est très handicapant et très triste. Je ne verrais pas mes petits enfants grandir, ni ma merveilleuse femme vieillir. Je ne verrais plus de couché de soleil sur la mer. Je ne verrais plus jamais les rayons de soleil se faufiler entre les feuilles des arbres ni le sourire innocent d'un enfant. 

      Mais j'ai développé mes autres sens. Pour un homme d'un certain âge, j'ai une ouïe impressionnante et mon touché est aussi très développé. 

     

      Je suis assis devant le fenêtre, je le sais car j'entends le chant des oiseaux et je sens une légère brise caresser mon visage. J'entends des pas, quelqu'un vient s'assoir avec moi et prend ma main. C'est ma femme, je le sais car sa peau est la plus douce que j'ai eu l'occasion d'effleurer et je reconnaîtrais sa légère odeur de lila entre mille. Elle me parle du monde qui nous entoure, elle me décrit tout ce qu'elle peut afin que je puisse me le représenter. Nous sommes dans notre bulle et lorsqu'elle me parle j'ai la sensation de voir de nouveau.

     

      Je me lève. Je connais notre maison comme le fond de ma poche alors je ne me cogne jamais. Nos petits enfants sont là, j'entends leur rire et leur agitation. Ils me donnent leurs petites mains chacun leur tour de façon à ce que je les reconnaisse. Il n'y a rien de plus beau que l'innocence d'un enfant. 

     

      Certes je ne peux voir, mais il me reste tellement de souvenir. Les cheveux roux de ma femme reflétant le soleil. Le sourire émerveillé de ma mère lorsque j'accomplissais des choses petit. Mes enfants le visage hilare. Les lumières de la ville lorsqu'il fait nuit, le ciel étoilé. Les éclairs fissurant le ciel gris presque noir. L'herbe tendre d'une prairie où ma femme et moi nous rejoignons en secret lorsque nous étions adolescents.  La montagne et sa verdure flamboyante. 

      

      Lorsque la vie ne battra plus contre mes tempes, je me rappellerai de toutes ces choses merveilleuses et je partirais en me prenant compte de la chance que j'ai eu de les avoir vu au moins une fois. 


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